Samir AITA, notes pour la conférence à la Sorbonne « Les défis post-printemps arabe »

Les défis post-printemps arabe

Notes de présentation

Samir AITA

 

L’ensemble des pays arabes vivent une situation exceptionnelle de leur histoire. Et 2 questions s’imposent :

  • Est-ce que ces bouleversements étaient inévitables ?
  • Et où vont-ils mener ? et A quel horizon ? 

 

Sur la 1ère question…

  • Les facteurs socio-économiques et démographiques sont déterminants :

o   Une vague exceptionnelle de jeunes arrivant dans la force de travail chaque année, sans perspective d’emploi hors informelle

o   Cette vague devenant tsunami à cause de l’accélération des migrations rurales-urbaines

  • Des taux de croissance de la population urbaine beaucoup plus important que ceux de la population totale
  • Une perte des emplois agricoles
  • Une diminution générale de la participation féminine à la force de travail

o   Des modèles de développement en faillite ne pouvant répondre à ce défi… Il n’y a pas eu de 30 glorieuses.

o   Ces modèles se sont inscrits en large dans la globalisation sans qu’ils soient accompagnés ni de l’augmentation nécessaire de la formation de capital fixe ni d’un investissement nécessaire dans la « manne de la jeunesse »

  • Des taux de création d’emplois beaucoup plus faibles que ceux des nouveaux arrivants, à participation et chômage égaux
  • Les emplois créés sont en grande majorité informel, la moitié salariés et l’autre en propre compte
  • Un effondrement de la couverture sociale et des dépenses publiques, y compris sur l’éducation par étudiants…
  • Un effondrement des dépenses d’infrastructures. Les différences régionales se sont creusées d’une manière spectaculaire. Les métropoles mondialisées face auxbanlieues et petites villes surpeuplées. 
  • Le cas Bouazizi… C’est lui aussi le secteur privé

o   De là est sorti l’appel à la « dignité » des premiers slogans des soulèvements

  • Il en a résulté une rupture du contrat social

o   L’échec du modèle de développement est lié à la transformation rentière et autoritaire des pouvoirs en place. L’exception des présidences à vie et de la succession filiale.

o   Les élites cooptées par les régimes autoritaires toutes modélisés à la Dubaï Boys.

o   Le modèle des pays du Golfe s’est propagé aussi socialement, en islamisation politique et sociale des récemment urbanisés.

o   D’où les slogans de « liberté », mais aussi de « l’islam est la solution ».

o   Partout le contrat social est en rupture. On refait les constitutions.

  • La globalisation n’est pas seulement dans les technologies modernes et le commerce international

o   Elle est aussi géostratégique.

o   Le poids stratégique s’est décalé de la Méditerranée vers le Golfe. L’Europe ne s’y était pas trompée. Elle a construit des partenariats différentiels : méditerranéens d’un côté, et avec le Golfe de l’autre.

o   Mais l’instabilité intérieure s’est muée en velléités politiques directes de l’Europe et du Golfe sur les républiques en transition.

o   L’islam politique en est l’outil.

  •   La transition démarrée il y a plus de 5 ans a eu ses propres effets.

o   Des guerres en Libye, au Yémen, en Syrie, avec leurs lots de destructions de capitaux humains et matériels.

o   Des blocages politiques en Egypte, au Liban,…

o   Et un exemple de transition démocratique unique : la Tunisie.

o   Mais partout les indicateurs de développement humains ont reculé, parfois à des niveaux d’il y a 30 ans.

o   L’activité économique s’est ralentie, les niveaux d’emplois détériorés, l’économie et l’emploi informels se sont développés, les disparités régionales se sont aggravés, les dépenses publiques greffées de dépenses courantes (salaires publics, embauches publics,…), les investissements privés reculent, le tourisme s’est effondré, et la plupart des pays doit traiter avec un flot de réfugiés sans équivalent depuis la 2nde guerre mondiale et la Nakba de Palestine.

  • Les défis à relever

o   Il n’y aura pas de stabilité tant que le tsunami des jeunes n’ait pas résorbé, et tant que les disparités régionales s’aggravent de plus en plus. 10-15 ans pour la fin naturelle du tsunami.

o   Des programmes d’investissements (et non de dépenses courantes) significatifs sont nécessaires, non seulement pour les pays en guerre mais aussi pour l’Egypte et la Tunisie.

o   Or la dette publique est déjà importante, les pays du Golfe commençant à manquer de ressources, et l’Europe en difficulté pour subvenir même aux aides humanitaires nécessaires.   

o   Un nouveau modèle de développement reste à créer associé à une gouvernance plus inclusive. Or :

  • En Egypte et en Tunisie, ni le régime parlementaire pur, ni celui plus autoritaire n’ont montré des capacités à pouvoir faire redémarrer la machine économique et de l’emploi.
  • Et on a du mal à imaginer en Libye, au Yémen ou en Syrie quels types de gouvernances vertueuses peuvent émerger des guerres.
  • Les ingérences extérieures ne facilitent pas aussi le travail des acteurs politiques locaux. Ainsi, en Tunisie, le seul débat d’envergure en vigueur est le pour ou le contre de l’ALECA. Comme si l’ALECA pouvait constituer une politique économique, voire industrielle dans le vieux sens du terme.
  • Plus généralement, il est nécessaire de casser le système des rentes, alors qu’il constitue la condition des Investissements étrangers. Avec quelle légitimité !
  • Le potentiel du développement régional reste sous exploité, dans les 2 sens :
    • Les régions à l’intérieur du pays… Même en Tunisie, la démocratie est une affaire de la capitale, et non entre les régions. La décentralisation est restée un chantier inexploré, même si elle a été inscrite dans la nouvelle constitution.
    • Les coopérations régionales entre pays. Le grand Maghreb reste bloqué. Et l’occasion n’a pas été saisie des troubles et des guerres, que pour de la main d’œuvre doublement informelle.
  • En économie 3 thèmes clefs doivent toujours retenir l’attention:
    • L’évolution des investissements publics pour le développement régional, dans les 2 sens
    • La politique publique vis-à-vis des secteurs rentiers (téléphonie mobile, immobilier, pétrole et gaz, …), notamment en matière de taxation
    • La consolidation du secteur bancaire (et monétaire). Car point de développement et d’investissement sans crédit.

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