Sur les sanctions économiques de l’Union européenne
à l’encontre de la Syrie
Introduction
1– La Syrie est confrontée, depuis mars 2011, à une crise profonde des droits de l’homme. Cet état résulte de la répression, par le régime en place, de la population réclamant, dans la mouvance du « printemps arabe[1] », plus de liberté et de démocratie. Ce qui a valu à ce pays la désapprobation et la condamnation de la communauté internationale, et plus particulièrement de l’Union européenne (UE). Cette dernière a ainsi été conduite à imposer à la Syrie des sanctions économiques censées contribuer au retour d’une situation de respect des droits de l’homme dans ce pays. Son action en matière de défense des droits de l’homme ressortit de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dont l’un des objectifs est « le développement et le renforcement de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales[2] ». Cette exigence du respect des droits de l’homme constitue ainsi un pilier essentiel de toute relation ou coopération de l’Union européenne avec les pays tiers.
2– Il est nécessaire, pour la suite de l’analyse, de donner un aperçu du cadre juridique des relations entre l’Union européenne et la Syrie. Au niveau formel, celles-ci ont pour base le contrat, instrument juridique qui régit ici les rapports entre deux entités dotées de la personnalité juridique internationale. Les deux sujets ont ainsi conclu un accord bilatéral de coopération le 18 janvier 1977[3] visant à « promouvoir une coopération globale entre les parties contractantes en vue de contribuer au développement économique et social de la Syrie et de favoriser le renforcement de leurs relations » (art. 1). Il s’accompagne de deux protocoles, l’un relatif à la coopération technique et financière, et l’autre à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative. Par la suite ont été adoptés divers instruments, et notamment deux protocoles additionnels ayant pour but, d’une part, d’étendre le champ d’application géographique de l’accord de 1977 et, d’autre part, de l’adapter à la nouvelle donne économique compte tenu de l’élargissement de l’Union européenne à d’autres membres. Complètent cet édifice, des protocoles financiers couvrant les périodes 1977-1981, 1982-1986. Après d’âpres discussions, le protocole financier 1982-1991 ne sera, lui, approuvé par le Parlement européen qu’en 1992. Quant au quatrième protocole 1992-1996, il ne recevra l’agrément du Parlement européen que le 15 décembre 1993. Ces retards sont motivés par la suspicion entretenue à l’égard de la Syrie en matière de terrorisme et de violation des droits de l’homme.
On signalera aussi qu’un accord d’association entre l’Union européenne et la Syrie est conclu le 19 octobre 2004. Fin 2008, les deux parties l’actualisent pour tenir compte de la réforme du tarif douanier syrien et de l’élargissement de l’Union européenne. La version remaniée de cet accord est paraphée le 14 décembre 2008, mais il n’est pas encore entré en vigueur.
Les grands axes de la coopération entre l’Union européenne et la Syrie sont par ailleurs consignés dans plusieurs textes : Document de stratégie 2007-2013 et Programme indicatif national 2007-2010 pour lequel 130 millions d’euros avaient été alloués.
3– Mais il convient de relever aussi que la coopération entre l’Union européenne et la Syrie se déploie également à travers des accords régionaux de partenariat. Ainsi la Syrie a-t-elle signé la Déclaration de Barcelone de 1995 instituant un partenariat entre l’Union européenne et la Méditerranée. La Syrie est de même liée à l’Union européenne dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). On signalera enfin que la Syrie est membre de l’Union pour la Méditerranée créée en 2008.
Ces éléments donnent un aperçu des bases juridiques des relations entre l’Union européenne et la Syrie. Celles-ci sont fondées sur le contrat manifestant la volonté des deux parties de développer leurs relations dans un cadre juridique.
4– Le contenu matériel des relations entre l’Union européenne et la Syrie est, quant à lui, marqué par une conditionnalité démocratique en raison de l’obligation faite aux deux partenaires de respecter les droits de l’homme. Tous les instruments contractuels que nous avons cités insistent sur ce fait. L’accord de coopération de 1977 se réfère expressément au devoir de se conformer à la Charte des Nations unies axée sur la promotion et la défense des droits de l’homme. Pour sa part, la Déclaration de Barcelone engage les États signataires à « agir conformément à la Charte des Nations unies et à la Déclaration universelle des droits de l’homme », à « développer l’État de droit et la démocratie dans leur système politique », à « respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, ainsi que garantir l’exercice effectif et légitime de ces droits et libertés », « à considérer favorablement, à travers le dialogue entre les parties, les échanges d’informations sur les questions relatives aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales… ». Concernant l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), il stipule dans ses considérants que l’Union européenne institue avec ses voisins des relations devant « reposer sur des engagements à l’égard des valeurs communes, notamment la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme ». Il y est ensuite précisé : « L’Union européenne se fonde sur les valeurs que sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’État de droit, et cherche à promouvoir ces valeurs auprès des pays voisins au travers du dialogue et de la coopération[4] ». L’Union européenne cherche ainsi à transposer dans les relations avec ses voisins les principes de légitimité démocratique. La violation des droits de l’homme par l’autre partie est donc une cause de réévaluation par l’Union européenne de ses relations avec ses partenaires. C’est ce raisonnement qui a motivé la suspension partielle par cette organisation de l’accord de coopération de 1977 avec la Syrie[5].
5– Le recours par l’Union européenne aux sanctions intervient, comme déjà souligné, en réaction aux manquements de l’autre partie en matière des droits de l’homme ainsi qu’aux principes de la démocratie et de l’État de droit. Véritables contre-mesures, elles peuvent atteindre des gouvernements, des entités non-étatiques et des individus. Elles comportent des mesures de différentes natures : sanctions diplomatiques, commerciales, financières, suppression de la coopération, boycott d’évènements sportifs ou culturels, interdiction de vol, restriction en matière d’admission dans le territoire des États membres.
On mentionnera que les sanctions de l’Union européenne peuvent résulter de la nécessité d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité agissant au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui confère à cet organe des pouvoirs lui permettant de prendre des décisions contraignantes pour tous les membres de l’organisation en cas de menace contre la paix et la sécurité internationale, de rupture de la paix et d’agression. C’est alors l’article 215 du traité de l’Union européenne qui sert de base juridique à l’action de cette organisation :
« 1. Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne, prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, adopte les mesures nécessaires. Il en informe le Parlement européen.
2. Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques.
3. Les actes visés au présent article contiennent les dispositions nécessaires en matière de garanties juridiques. »
L’Union européenne se réserve cependant le droit d’appliquer des mesures plus restrictives que celles décidées par les Nations unies. Mais l’Union européenne peut aussi adopter, dans le cadre de ses compétences, des sanctions autonomes conformément aux objectifs de sa politique étrangère et de sécurité commune :
« Dans le cadre de la PESC, le Conseil peut décider de prendre des mesures restrictives contre des pays tiers, des entités ou des particuliers. Ces mesures doivent être conformes aux objectifs de la PESC, énumérés à l’article 11 du traité sur l’Union européenne (TUE)[6] »
L’Union européenne fait, à l’exemple des Nations unies, une distinction entre les sanctions ciblées visant des personnes bien identifiées et les sanctions « aveugles » adressées aux États et atteignant de ce fait indistinctement toutes catégories de personnes. Les premières seraient plus justes et plus efficaces car ne frappant que les personnes jugées responsables des actions ayant entraîné la décision de l’Union européenne, alors que les secondes sont considérées comme étant injustes et à l’efficacité douteuse dans la mesure où elles visent même des populations innocentes et participent de ce fait à la dégradation de leurs conditions de vie.
6– C’est dans ce contexte général qu’il convient de situer les sanctions économiques de l’Union européenne à l’encontre de la Syrie. On perçoit bien cependant, au travers des considérations précédentes, les questionnements qui restent en suspens et qui méritent des développements plus circonstanciés et plus approfondis. De nature quasi-pénale, les sanctions ne manquent pas de soulever des interrogations en matière de protection des droits fondamentaux qu’elles peuvent mettre en cause de différentes manières si ne sont pas définis en même temps des mécanismes adaptés pour assurer un contrôle effectif du respect de ces droits. Comment, en effet, concilier la problématique des sanctions économiques qui peuvent s’avérer nécessaires avec celle du respect des droits de l’homme ? Cette interrogation, on le voit bien, transcende le cas syrien et met en lumière le problème plus général des garanties juridiques dont doivent pouvoir se prévaloir les personnes visées par les sanctions. Exemple spécifique, le cas syrien permet donc d’entrevoir en même temps une réponse plus générale à la pratique par l’Union européenne des sanctions économiques. Trois questions retiendront plus particulièrement l’attention au regard des sanctions économiques communautaires contre la Syrie :
– Quelles garanties juridiques pour les personnes visées par les sanctions ?
– Comment l’Union européenne évalue-t-elle les coûts et avantages des sanctions ?
– Quels problèmes se posent relativement à la levée des sanctions ?
I- Quelles garanties juridiques pour les personnes visées par les sanctions ?
7– L’Union européenne qui regroupe des membres se réclamant de l’état de droit s’est efforcée de mettre en place un régime juridique des sanctions devant permettre à toute personne visée par celles-ci d’échapper à l’arbitraire du non-droit. Les garanties juridiques auxquelles les personnes physiques ou morales syriennes peuvent bénéficier relativement aux sanctions qui les frappent découlent des principes définis par l’Union européenne à travers différents documents[7]. L’Union européenne ne se prive d’ailleurs pas de se prévaloir de posséder une « expérience considérable…en matière de conception, de mise en œuvre, d’application et de contrôle des mesures restrictives (sanctions)[8] ». Le droit des sanctions implique donc pour les autorités européennes la soumission à un cadre normatif, institutionnel et procédural formel, strict. Aussi les sanctions doivent-elles respecter les principes suivants : conformation aux objectifs de la PESC ; indication, pour chaque mesure, de l’objectif visé et de la stratégie globale ; adoption par le Conseil d’une position commune dans le cadre de la PESC ; présentation du contexte juridique des mesures restrictives ; alignement de celles-ci au droit international et aux normes relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. S’il n’est pas possible, dans les limites de ce travail, de développer toutes les déclinaisons de ces principes généraux, on mentionnera néanmoins ceux de ses aspects qui paraissent le plus susceptibles de générer directement des droits pour les personnes physiques et morales syriennes.
8– On signalera tout d’abord que dans son action contre la Syrie, l’Union européenne a fait le choix des sanctions ciblées, ce qui implique une imputation des responsabilités. Analysant la situation politique prévalant en Syrie, le Conseil de l’Union européenne a été amenée à prendre en considération ce critère dans sa décision d’imposer des sanctions à ce pays : « Compte tenu de la gravité de la situation, il convient d’instituer des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne[9] ».
Le critère de sélection justifiant l’imposition de sanctions à l’encontre d’une personne est donc celui de sa participation et de son implication dans les politiques ou actions à l’origine de la décision de l’UE d’édicter des mesures restrictives. Pour minimiser les risques d’erreur sur la personne, l’Union européenne doit disposer d’un système d’information fiable permettant l’identification sans équivoque de la personne visée. Les renseignements suivants sont nécessaires à cette identification : nom, prénom, pseudonymes, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, adresse et numéro de la carte d’identité ou du passeport pour les personnes physiques ; et, pour les groupements, personnes morales ou entités, dénomination complète, siège principal, lieu d’immatriculation du siège, date et numéro d’immatriculation. En fait, les listes de recension des personnes syriennes frappées de sanctions dressées par l’Union européenne comportent les rubriques suivantes : nom, information d’identification, motifs, date d’inscription. Ces listes viennent en annexes des actes juridiques pris par l’UE dans son action de coercition contre la Syrie[10]. Il arrive que certaines rubriques ne soient pas renseignées. Par ailleurs, ces listes ne sont pas figées. Des noms peuvent y être ajoutés[11], d’autres en être retirées[12], et des correctifs sur les informations initiales ont également été observés[13]. Les mesures restrictives peuvent englober les membres de la famille des personnes jugées responsables des politiques ou actions ayant déclenché l’action en coercition de l’UE. Dans ce cas, ceux de leurs enfants de moins de 18 ans ne sont pas, en principe, visés, alors que ceux âgés de plus de 18 ans doivent l’être non en raison de leur filiation paternelle ou maternelle, mais sur la base de leur propre responsabilité.
9– Les procédures en vigueur dans l’UE prévoient que les personnes physiques ou morales, entités ou organismes concernés soient informés des motifs de leur inscription sur les « listes noires » établies par cette organisation, « afin de leur donner la possibilité de formuler des observations[14] ». Ce droit à la communication ainsi que la possibilité d’une information contradictoire est susceptible d’aboutir à une révision de la décision initiale prise par le Conseil à l’encontre de la personne, l’entité ou l’organisme concerné.
10– Diverses autres garanties juridiques sont par ailleurs proclamées au profit des personnes subissant les mesures restrictives de l’Union européenne : garanties du respect des droits fondamentaux, droit à un recours effectif et à un procès équitable, droit à la protection des données personnelles[15]. Le règlement (UE) N° 442/2011 du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie énonce à ce propos : « Le présent règlement devrait être appliqué conformément à ces droits » (3ème considérant). Toute personne physique ou morale syrienne qui s’estimerait lésée pour non-protection par l’Union européenne de ses droits fondamentaux proclamés serait donc fondée à introduire des recours, notamment juridictionnels contre cette organisation[16]. L’accès au juge est primordial dans tout ordre juridique. Une abondante jurisprudence européenne acquise au travers de plusieurs affaires[17] a contribué à enrichir le droit des sanctions communautaires de nouveaux éléments participant à clarifier tel ou tel point : choix de la base juridique, motivation, droit de la défense, contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions, droits fondamentaux, sanctions à l’encontre d’un pays tiers, etc. Une telle immixtion du juge communautaire est d’autant plus souhaitable et appréciée que certaines mesures comme le gel des avoirs économiques et financiers sont lourdes de conséquences pour les personnes qui en sont frappées. De manière générale, c’est l’arbitraire qui semble dominer dans la confection des « listes noires » établissant les noms des personnes faisant l’objet de sanctions. Elles sont donc décriées en conséquence parce que participant de la violation des droits fondamentaux individuels tels que le droit à la propriété et la liberté de circulation[18]. L’insuffisance de la protection des droits fondamentaux peut ainsi placer l’Union européenne en situation de porte-à-faux relativement à ses propres instruments juridiques (Convention européenne des droits de l’homme) et aux prescriptions des instruments juridiques universels (Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
11– Les sanctions économiques de l’Union européenne contre la Syrie comportent la restriction des échanges commerciaux entre les deux partenaires. On rappellera que leur accord de coopération conclu en 1977 visait, entre autres objectifs, celui de « promouvoir une coopération globale entre les parties contractantes en vue de contribuer au développement économique et social de la Syrie et de favoriser le renforcement de leurs relations. Á cet effet, des dispositions et des actions seront arrêtées et mises en œuvre dans le domaine de la coopération économique, technique et financière, ainsi que dans celui des échanges commerciaux » (art. 1er ). Depuis les évènements dramatiques se déroulant en Syrie, l’Union européenne a adopté un certain nombres d’actes de nature à sérieusement contrarier les échanges avec la Syrie sur de nombreux produits, en particulier ceux dont le commerce profite avant tout aux autorités de ce pays ainsi que ceux susceptibles d’être utilisés par le pouvoir dans la répression contre la population civile. Les restrictions à l’exportation et à l’importation comportent ainsi des mesures sur les armes, le matériel et les technologies militaires, les équipements, technologies et logiciels susceptibles d’être utilisés pour la surveillance ou l’interception d’internet ou des communications téléphoniques, le pétrole brut et les produits pétroliers, les pierres précieuses, etc.[19]
12– Quelles bases légales fondent la décision de l’Union européenne de restreindre ou de rompre ses relations commerciales et économiques avec la Syrie ? L’Union européenne peut s’appuyer sur l’accord de coopération conclu avec la Syrie en 1977, lequel contient en son article 46 une clause de dénonciation pouvant être actionnée par l’une ou l’autre partie. La suspension partielle dudit accord a concerné particulièrement ses articles 12 (restrictions quantitatives à l’importation de produits originaires de la Syrie), 14 et 15 (importation du pétrole et de produits dérivés du pétrole)[20]. Mais l’Union européenne peut aussi invoquer les dispositions de ses instruments juridiques internes pour justifier sa décision de rétraction de ses relations économiques, financières et commerciales avec la Syrie. Peuvent à cet effet servir de bases juridiques certaines dispositions du traité instituant la Communauté européenne et sur le fondement desquelles peuvent être adoptés des règlements de mise en oeuvre : article 60 (restriction des mouvements de capitaux et paiements) ; article 301 (possibilité pour le Conseil de prendre des mesures urgentes en vue d’interrompre ou de réduire les relations économiques avec les pays tiers) ; article 308 (pouvoir donné au Conseil de prendre des mesures appropriées pour réaliser l’un des objets de la Communauté pour lequel le traité n’aurait pas prévu de moyens d’action).
13– Pour éviter tout risque de conflit avec une norme de droit international, et dans la mesure où il ne s’agit pas d’une norme d’application des sanctions décidées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, les sanctions décidées par l’Union européenne à l’encontre de la Syrie doivent respecter les engagements internationaux de cette organisation, notamment ceux souscrits dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et l’Accord général sur le commerce des services (GATS) visent à lever les barrières au mouvement de libéralisation des échanges dans le cadre d’une économie globalisée. Les seules restrictions à l’importation et à l’exportation tolérées sont celles relatives aux armes et au matériel militaire (article XXI du GATT, article XIV bis du GATS) ou celles qui sont imposées par les Nations unies pour les nécessités du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les mesures restrictives doivent donc relever de ces cas. Autrement, elles risqueraient d’être incompatibles avec les règles de l’OMC. Sur la base de ces considérations, la Syrie pourrait éventuellement être amenée à intenter une action contre l’Union européenne si elle estimait que les sanctions prises à son encontre violent les principes de l’OMC. Elle pourrait alors en référer à l’Organe de règlement des différends (ORD), instance quasi-juridictionnelle de l’OMC qui serait ainsi amené à dire si les sanctions communautaires violent le principe de la liberté des échanges économiques internationaux.
Il convient maintenant d’aborder le deuxième aspect des questions soulevées par l’imposition de sanctions à la Syrie par l’Union européenne. Celui-ci est relatif à l’appréciation des coûts et avantages de ces sanctions.
II- Comment l’Union européenne évalue-t-elle les coûts et avantages des sanctions ?
14– On se trouve confronté ici au problème de l’efficacité des sanctions. Produisent-elles les effets escomptés par l’Union européenne ? Existe-t-il des mécanismes de contrôle mis en place pour en mesurer l’impact ?
Les sanctions adoptées par l’Union européenne doivent pouvoir être efficaces, c’est-à-dire réaliser les objectifs pour lesquels elles ont été prises. Á défaut, l’Union européenne court le risque de voir sa crédibilité entamée et son image écornée. C’est ici le lieu de rappeler que les sanctions communautaires ont une visée politique et non pas économique :
« D’une manière générale, les mesures restrictives imposées par l’UE visent à susciter un changement de politique ou d’activité de la part du pays, de la région, de l’administration, des entités ou des particuliers visés, conformément aux objectifs énoncés dans la position commune.[21] »
Au sens de l’Union européenne, « Les mesures restrictives n’ont pas de motivation économique[22] ». Il est donc à espérer que les sanctions imposées à la Syrie soient de nature à induire des changements politiques dans ce pays dans une perspective d’amélioration, de restauration et de respect des droits de l’homme. Cette évolution souhaitable suppose que soit mis en place un système de veille, d’évaluation et de contrôle qui permette aux instances européennes d’apprécier au plus juste les effets produits par les sanctions. Le Conseil est donc tenu de suivre au plus près l’évolution de la situation sur le terrain de manière à pouvoir éventuellement programmer une révision spécifique dès lors que survient un changement dans le contexte politique.
Les mécanismes mis en place au sein de l’UE en matière de surveillance des sanctions comportent l’institution d’une instance spécialisée, le groupe des conseillers « relations extérieures » (RELEX) chargé du suivi et de l’évaluation des questions juridiques, institutionnelles et financières ayant trait aux relations extérieures de l’Union européenne et en particulier à celles liées à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Il a compétence dans les domaines suivants : financement des activités extérieures, gestion communautaire des crises, non-prolifération, sanctions, représentants spéciaux de l’UE, autres questions transversales. Le groupe des conseillers pour les relations extérieures se réunit régulièrement en formation « Sanctions » (RELEX/Sanctions). Ce groupe de travail a été créé en 2004 dans l’optique d’un échange de bonnes pratiques pour une application efficace et uniformisée des différents régimes de sanctions de l’UE, ainsi que de la révision et la mise en œuvre des lignes directrices pour l’application de ces sanctions.
Les instruments juridiques de la PESC et les règlements du Conseil comportent une clause de suivi et prévoient l’établissement de rapports périodiques sur l’état d’exécution des mesures et actions destinées à faire respecter les sanctions mises en œuvre par l’Union européenne. On notera, à titre d’exemple, que la décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie indique dans son article 8 : « La présente décision s’applique pendant douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints ». On sait qu’en raison de la perpétuation de la situation ayant provoqué les sanctions contre la Syrie, et même de son aggravation, l’Union européenne a été amenée à proroger et à durcir les mesures coercitives contre ce pays. Quel est l’impact de ces mesures ? Les sanctions ciblées ont-elles contribué à infléchir les comportements des dignitaires du régime syrien dans le sens souhaité par l’Union européenne ? Sont-elles sans conséquences pour les populations civiles syriennes ?
15– S’exerçant sur toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme considérés comme profitant du régime syrien ou appuyant celui-ci, les sanctions ciblées sont censées produire de sérieux dommages sur ces catégories de personnes. Les effets des sanctions sur ces piliers du régime restent cependant difficiles à évaluer. Certaines mesures comme le gel des fonds et des ressources économiques souffrent de l’opacité qui entoure ce genre d’opérations. Quel est le montant des sommes saisies ? Qui en a été affecté ? Le secret semble être de mise ici. Entre les paradis fiscaux où la plupart des dirigeants domicilient leurs avoirs financiers, les prête-noms qui leur servent de camouflage et la réticence de certains pays pourtant partisans des sanctions à jouer le jeu de la transparence, l’efficacité attendue dans ce domaine est pour une large part viciée par le secret des transactions financières internationales.
Il est à remarquer que le régime des sanctions admet des dérogations en matière de paiement, de transactions financières et d’admission dans le territoire des États membres, par exemple. Ce système contribue-t-il à assurer la cohérence de l’ensemble du dispositif[23] ? Par ailleurs, les personnes visées par les sanctions peuvent profiter du manque de vigilance de certains États membres pour contourner la décision qui les frappe. Ainsi des parlementaires européens s’étonnaient-ils de ce que malgré les sanctions dont ils étaient l’objet, un préfet de police et deux ministres zimbabwéens aient pu effectuer des séjours dans deux États membres[24]. De même, d’autres parlementaires interrogeaient-ils la Commission sur la mesure de l’impact des sanctions contre l’Iran au vu de plusieurs entorses à celles-ci[25]. Le fait que les sanctions puissent être contournées entache largement leur efficacité. Certaines produisent des effets inattendus : par exemple, l’embargo sur le pétrole et les produits pétroliers n’a pas tant affecté les responsables du pouvoir en place que les populations syriennes en les privant de combustible de chauffage pendant l’hiver[26]. Se référant aux dégâts causés par les sanctions sur la population irakienne, un observateur est amené à se poser la question de leur pertinence et de leur efficacité[27]». De même peut-on s’interroger sur le fait de savoir si l’Union européenne a réellement pris la mesure exacte des effets pervers que les sanctions peuvent avoir sur les populations syriennes. Comment faire pour que les sanctions ne participent pas de la dégradation des conditions de vie des populations civiles ? Il n’existe aucun système de sanctions qui épargne vraiment le peuple, et aussi bien les Nations unies que l’Union européenne n’ont mis en place un système d’évaluation pertinent. Dans ce contexte, les populations civiles resteront pour longtemps encore des victimes collatérales des sanctions censées contribuer à la promotion de leurs droits. Paradoxe qui a aussi marqué les sanctions de la communauté internationale contre l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Avec le temps, les sanctions ont fini par produire leurs effets et le système de l’apartheid s’est écroulé. Le problème est donc celui de la temporalité : comment inscrire les sanctions dans la durée ? Jusqu’à quel point la population est-elle prête à supporter les souffrances du présent pour un avenir d’espérance ? Quel sera le degré de résistance du pouvoir subissant les sanctions ? Aucune de ces données n’est vraiment maîtrisable. Aussi court-on le risque d’un enlisement de la situation dont le régime peut tirer profit à plusieurs niveaux : renforcement de son rôle autoritaire, tentative de retournement de l’arme des sanctions contre leurs promoteurs, celle-ci étant qualifiée comme étant du « terrorisme économique[28] » contre le peuple syrien, effets collatéraux des sanctions sur les pays voisins. On n’oubliera pas que la Syrie est un acteur régional influent et les sanctions qui lui sont imposées peuvent avoir des répercussions politiques, économiques et sociales jusque chez ses voisins immédiats, notamment le Liban et la Turquie.
Sur le plan politique et humanitaire, les sanctions européennes contre la Syrie ne semblent pas avoir produit jusqu’à présent les effets attendus : elles n’ont contribué ni à infléchir le comportement politique des autorités syriennes, ni à améliorer la situation des droits de l’homme dans ce pays. Aussi longtemps qu’elle est assurée du soutien de ses alliés internationaux, notamment de la Chine et de la Russie, tous deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies avec droit de veto, la Syrie peut ignorer les injonctions de l’Union européenne. On considère généralement que la faiblesse des sanctions communautaires est en partie due au fait qu’elles ne sont pas accompagnées, si nécessaire, par des mesures de nature militaire sans lesquelles « la sanction économique n’est qu’un bluff[29] ». Mais ces analyses contribuent à la légitimation des interventions militaires et ne posent pas la question de savoir si l’usage de la force doit précéder, accompagner les sanctions économiques ou se substituer à elles.
Comme le souligne le Parlement européen, les sanctions communautaires courent le risque, à cause de leur inefficacité, de se cantonner à une fonction symbolique, expression de la réprobation morale d’actes condamnables en soi. Cet organe attire par conséquent l’attention sur « le danger de mettre trop en exergue une conception des sanctions en tant que mesures symboliques, car cela pourrait aboutir à leur complète dévalorisation[30]». C’est donc tout le système des sanctions qui est à revoir pour une meilleure défense des droits de l’homme[31].
16– Si les sanctions constituent des mesures punitives de l’Union européenne contre la Syrie, elles peuvent aussi avoir un effet boomerang sur l’Union européenne elle-même, en ce qui concerne par exemple ses répercussions sur l’activité des entreprises des États membres ayant des relations économiques et commerciales avec la Syrie. Les considérations des politiques ne sont pas souvent les mêmes que celles des hommes d’affaires. Dans quelle mesure les sanctions contre la Syrie pénalisent-elles les opérateurs économiques européens ? Quel est le coût pour l’Union européenne des mesures restrictives imposées à la Syrie ? Cette évaluation mérite, elle aussi, d’être menée. Il serait intéressant, à ce propos, de recueillir le point de vue des chefs d’entreprises et des organisations patronales sur l’impact des sanctions sur leurs activités.
III- Quels problèmes soulève la phase de la levée des sanctions ?
17– Les sanctions ont un cycle de vie qui comporte les séquences suivantes : elles sont adoptées, mises en œuvre et ont vocation à être levées dès lors que disparaissent les faits qui les avaient motivés. La levée des sanctions met fin à la période de crise. Il importe de voir comment se déroule cette phase, d’aborder le problème de la récupération par l’État syrien des avoirs gelés et, enfin, de poser la question de l’éventualité d’une indemnisation pour les personnes qui auraient été sanctionnées abusivement.
Procédure de levée des sanctions
18– Chaque mesure prise par l’Union européenne dans le cadre des sanctions à l’encontre d’un pays tiers vise un objectif spécifique. Dans le cas de la Syrie, la démarche intellectuelle de l’Union européenne a été la suivante : examen du contexte politique aboutissant à un diagnostic de dégradation de la situation en matière de droits de l’homme[32] ; imposition de mesures restrictives sur cette base « à l’encontre des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne[33] » ; fixation de la durée initiale d’application de la mesure, en l’occurrence douze mois avec possibilité de prorogation ou de modification[34], « jusqu’à ce que les autorités syriennes mettent fin aux violations systématiques des droits de l’homme et qu’il puisse de nouveau être considéré qu’elles respectent le droit international général et les principes sur lesquels se fonde l’accord de coopération[35]. ». Le Conseil exerce donc, pour chaque mesure, une vigilance permanente qui l’amène à « suivre de près l’évolution de la situation et programmer une révision spécifique dès qu’un changement intervient dans le contexte politique[36]. ». De nouvelles sanctions contre la Syrie furent ainsi adoptées avant que ne s’écoulât le délai de douze mois imparti pour le réexamen des premières sanctions. En effet, même s’il est fait mention d’une date dans les instruments juridiques PESC, les mesures restrictives sont appréciées et levées « en fonction de leurs objectifs et non en fonction d’échéances. [37]». C’est admettre que le critère décisif pour l’abrogation des mesures restrictives édictées par l’Union européenne est celui de l’atteinte des objectifs qu’elles visent. Á défaut, de telles mesures sont maintenues, à moins que le Conseil n’en décide autrement. Le terme fixé n’est donc qu’une mesure d’évaluation permettant de juger si les objectifs visés ont bien été réalisés. Le système de réexamen périodique ainsi mis en place révèle le caractère temporaire des sanctions qui ne sont prises que pour satisfaire des objectifs précis. Tant que ceux-ci ne sont pas atteints, les sanctions s’appliquent. Mais une fois ces objectifs atteints, les mesures de sanction n’ont plus de raison d’être et doivent, de ce fait, être levées. L’Union européenne peut cependant être amenée à assouplir sa position sans que par ailleurs ces objectifs soient réalisés. Elle base alors sa décision sur tout fait politique allant dans le sens d’une amélioration substantielle de la situation interne du pays concerné : « La date d’expiration ou de révision pourrait être fixée compte tenu de faits ou de considérations pertinents (par exemple les dates de futures élections ou des négociations de paix susceptibles d’entraîner un changement dans la situation politique) [38] ». L’instauration d’un gouvernement civil en mars 2011 et l’élection de l’opposante Aung San Suu Kyi au parlement le 1er avril ont ainsi contribué à la levée partielle des sanctions européennes contre le Myanmar (ancienne Birmanie), même si des observateurs faisaient remarquer que les raisons pour lesquelles ces sanctions avaient été adoptées, à savoir les graves violations des droits de l’homme dans ce pays n’avaient pas cessé. Peut-on alors juger que la suspension des sanctions a été prématurée ? En fait, la suspension des sanctions semble s’inscrire dans une dynamique de négociation entre l’Union européenne et le pays ciblé. Cette flexibilité dont fait montre l’Union européenne est pour le pays tiers sanctionné un encouragement à poursuivre les réformes. Mais alors, on observe que dans le cas de la Syrie, ni la révision de la constitution adoptée par référendum, ni les élections législatives organisées ensuite n’ont été suivies d’un quelconque apaisement de la violence et n’ont pas eu pour conséquence l’adoption de mesures de desserrement des sanctions imposées à ce pays par l’Union européenne. Est-ce parce que ces actes perçus par le pouvoir syrien comme étant des signes d’apaisement et de décrispation avaient été qualifiés par l’Union européenne de mascarade grotesque ? On ne peut donc que se résoudre à faire le constat suivant : l’incertitude sur la durée de la crise syrienne entraîne une incertitude sur la fin des sanctions. Le risque d’un enlisement de la situation que nous avons précédemment évoqué est bien réel.
19– Si les sanctions de l’Union européenne contre la Syrie devaient être levées, elles le seraient par la procédure de l’acte contraire ou parallélisme des compétences qui dispose que pour défaire ce qui a été fait, il faut faire intervenir les mêmes organes et respecter la même procédure. Le Conseil statuant à l’unanimité de ses membres serait donc amené à prendre un acte juridique de levée des sanctions dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
La récupération par l’État des avoirs gelés
20- Le gel des avoirs fait partie des sanctions décidées par l’Union européenne contre la Syrie. Une distinction est à faire entre le gel des avoirs économiques et le gels des fonds. Pour la clarté de l’exposé, il est utile de préciser le contour de ces notions. Les ressources économiques comprennent « les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds, mais qui peuvent être utilisés pour obtenir des fonds, des biens ou des services[39] ». Il s’ensuit que le gel des ressources économiques est à entendre comme « toute action visant à empêcher leur utilisation pour l’obtention de fonds, de biens ou de services de quelque nature que ce soit, y compris, mais non exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque [40] ». Les fonds quant à eux s’appréhendent comme étant « les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, et notamment, mais non exclusivement : le numéraire, les chèques, les créance en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement, etc. [41]». Le gel des fonds est par conséquent défini comme « toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation, manipulation de fonds ou accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation, y compris la gestion de porte-feuilles[42] ».
Á la date du 15 mai 2012, le gel des avoirs concernait 43 entités et 128 personnes syriennes accusées d’être responsables des atteintes aux droits de l’homme en Syrie ou d’y être associées, ou encore de soutenir le régime syrien ou d’en tirer avantage[43]. La liste des personnes et entités ciblées est dressée par le Conseil[44] qui décrète les dispositions privatives de droit à leur encontre :
«1. Tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités et organismes énumérés aux annexes II et II bis, ou possédés, détenus ou contrôlés par ceux-ci sont gelés.
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis à la disposition, directement ou indirectement, des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés aux annexes II et II bis, ni dégagé à leur profit.
3. La participation, délibérée et en toute connaissance de cause, à des activités ayant pour objet ou pour effet, direct ou indirect, de contourner les mesures visées aux paragraphes 1 et 2 est interdite.[45] »
Tant que la mesure de gel qui les frappe est en vigueur, ces personnes sont confrontées à l’interdiction d’accomplir des opérations financières sur les avoirs financiers visés, leur droit d’en user en tant que propriétaires étant suspendu. On le voit, les mesures de gel sont en contradiction avec les droits économiques des individus consacrés par le droit international, notamment le droit de propriété[46], même si par ailleurs des dérogations sont permises pour faire face à des situations délicates auxquelles les personnes visées pourraient être confrontées : nécessité de répondre aux besoins fondamentaux des personnes visées et des membres de leurs familles à leur charge (achat de vivres, remboursement de prêts hypothécaires, achat de médicaments et paiement de frais médicaux, d’impôts, de primes d’assurances et de redevances de services publics), etc.[47] Dans le cadre de ce système dérogatoire, l’Union européenne a énoncé les conditions dans lesquelles les autorités compétentes des États membres[48] sont habilitées à autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés[49]. Mais ce ne sont que des mesures d’assouplissent à l’intérieur des mesures de gel qui, elles, restent en vigueur. Demeure posée la question de la restauration des personnes sanctionnées dans leurs droits initiaux après la sortie de la crise, donc de la récupération par celles-ci des avoirs gelés.
21– La restitution à leurs propriétaires des avoirs gelés soulève des questions par rapport au statut et à l’origine de ces fonds. S’agit-il de fonds d’origine illicite ou encore de produits de la corruption ? Le droit international établit d’ailleurs une équivalence entre ces deux expressions : « Elles désignent l’une et l’autre tout bien provenant directement ou indirectement de la commission d’une infraction ou obtenu, directement ou indirectement, en la commettant, conformément à la Conventions des Nations Unies contre la corruption.[50] ». Le gel par l’Union européenne des fonds syriens participe-t-il des efforts menés pour lutter contre la criminalité financière ? Faut-il considérer que les avoirs financiers des dirigeants politiques sont nécessairement d’origine illicite ? Á quel titre les avoirs syriens ont-ils été saisis ?
Le dispositif juridique international s’est surtout préoccupé d’organiser le droit de restitution des produits de la corruption. Á cet effet ont été adoptés plusieurs instruments juridiques : convention de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) contre la corruption d’agents publics étrangers (1997) ; convention des Nations unies (2003) qui fait du recouvrement et de la restitution des avoirs nés d’activités illégales (grande criminalité, drogue, corruption) un principe de droit international et introduit pour la première fois la notion de « Personne politiquement exposée » (PPE) sur laquelle doivent se baser les acteurs financiers pour demander l’origine des fonds et alerter les organismes de surveillance, dont le GAFI (Groupe d’action financière) créé en 1987 ou le CARIN (Camden Asset Recovery Inter-Agency Network), réseau international de professionnels du recouvrement des avoirs qui bénéficie du soutien de la Commission et d’Europol. On peut de même signaler certaines initiatives dans ce domaine à l’exemple de StAR (Stolen Assets Recovery Initiative)[51] lancée en 2007 conjointement par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) et la Banque mondiale. Certains pays comme la Suisse sont en pointe dans ce combat contre les avoirs volés. Aussi a-t-elle voté la Loi sur la restitution des avoirs d’origine illicite (LRAI) entrée en vigueur le 1er février 2011. On note par ailleurs une mobilisation des associations militantes autour de ce sujet : pour ne s’en tenir qu’au cas de la Syrie, Sherpa et Transparency International France ont annoncé le dépôt d’une plainte visant à identifier les avoirs qui pourraient être détenus en France par Bachar El-Assad et son entourage, l’objectif visé étant de geler ces fonds et de les restituer ensuite à la population syrienne[52].
La récupération de ces fonds par l’État syrien suggère deux hypothèses : soit le pouvoir en place change de nature, se démocratise et c’est à lui que sont restitués les fonds ; soit un nouveau régime s’installe, et c’est à lui qu’incombe d’entreprendre la démarche de recouvrement des avoirs gelés. La procédure de recouvrement peut se dérouler selon la méthode du recouvrement direct, cas dans lequel le pays lésé recourt aux tribunaux du pays de destination, le pays lésé agissant en qualité de plaignant, et les tribunaux du pays de destination ordonnant directement la restitution. En effet, les décisions de gel et de dégel sont prises par l’Union européenne[53], mais elles sont exécutées par les États membres. Il faut cependant faire observer que de nombreux obstacles s’opposent au rapatriement des produits de la corruption : obligation faite aux autorités de l’État demandeur d’apporter la preuve de l’origine délictueuse des avoirs réclamés ; réticence des institutions financières des États à prendre les dispositions nécessaires ; incertitude sur le montant des sommes saisies ; allongement excessif des procédures de restitution ; éparpillement et dispersion des fonds disputés dans plusieurs places financières ; inexistence d’un régime juridique uniforme de restitution, à cause du caractère disparate des législations des États en cette matière[54], etc. Des mécanismes de coopération judiciaire peuvent être nécessaires dans les procédures de recouvrement des fonds gelés. Ainsi existe-t-il au sein de l’Union européenne une unité de coopération judiciaire dénommée Eurojust, laquelle s’est impliquée dans la récupération des actifs des présidents déchus de l’Egypte et de la Tunisie en Europe et en Amérique du Nord sur la demande des nouvelles autorités de ces pays.
Comme on le voit, la récupération des avoirs gelés est un problème complexe qui révèle des enjeux de pouvoir entre différents acteurs aux intérêts divergents. Malgré quelques avancées dans ce domaine, la tendance générale est plutôt au pessimisme[55].
L’indemnisation des victimes
22– Les droits fondamentaux des personnes frappées par les sanctions de l’Union européenne doivent être protégés. La violation de ces droits est susceptible d’entraîner des recours en vue de redresser et de réparer une situation jugée préjudiciable. Le droit au recours est un principe reconnu dans l’ordre juridique communautaire, et particulièrement en matière de gel des avoirs de tiers :
« Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour garantir que toute mesure de gel exécutée en application de l’article 5 puisse faire l’objet de la part de toute personne concernée, y compris des tiers de bonne foi, et en vue de préserver leur intérêt légitime, d’un moyen de recours non suspensif ; l’action est engagée devant un tribunal de l’État d’émission ou de l’État d’exécution conformément à la législation nationale de chacun de ces États[56] »
L’une des voies de recours pour obtenir réparation d’un dommage est celle de l’indemnisation des victimes, possibilité ouverte par exemple par l’article 12 de la décision-cadre N° 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve. En effet, les dommages causés par les sanctions aux personnes qui en sont victimes peuvent être considérables et dévastatrices : perte d’emploi, de revenus, atteinte à l’honorabilité, à la réputation et à la dignité, etc. Le recours en indemnité permet de mettre en cause la responsabilité de la Communauté pour les dommages causés par les sanctions mises en œuvre sur la base des décisions de ses organes. La possibilité d’obtenir une indemnisation suppose cependant la reconnaissance de la responsabilité de l’Union européenne et de ses États membres dans la commission de l’acte entraînant le recours en indemnité.
23– La responsabilité des organisations internationales n’est plus guère discutée aujourd’hui depuis l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) du 11 avril 1949 relatif à l’Affaire de la réparation des dommages subis au service des Nations unies[57]. Organisation internationale, l’Union européenne ne peut espérer échapper à ses responsabilités internationales.
Le recours en responsabilité permet à une personne physique ou morale, particulier ou État, qui subit un dommage causé par une action communautaire, d’obtenir réparation de la part de l’institution qui en est à l’origine. L’action en responsabilité offre ainsi la possibilité de recevoir une indemnisation du fait de l’activité normative des institutions communautaires. Il convient cependant de distinguer : d’une part, la responsabilité contractuelle générée par la violation par la Communauté de ses obligations contractuelles à l’égard d’un tiers ; d’autre part, la responsabilité extra-contractuelle pour laquelle toute personne peut saisir la Cour de justice déclarée compétente dans ce domaine en vertu de l’article 288 alinéa 2 du traité instituant la Communauté européenne :
« En matière de responsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. »
L’action en responsabilité est ouverte à toute personne physique ou morale lésée. Ce principe permet un accès large au prétoire qui s’explique par la nature même de ce recours, en ce qu’il tend non pas « à la suppression d’une mesure déterminée ou à la constatation d’une carence, mais à la réparation, uniquement à l’égard du requérant, du préjudice causé par une institution[58]. ». Des conditions de forme et de fond président néanmoins à la mise en œuvre de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne.
Les conditions de forme sont relatives à la recevabilité des recours : délai de prescription de cinq ans, indication dans la requête en des termes précis et clairs de l’objet du litige et de l’exposé sommaire des moyens invoqués. Les conditions de fond renvoient, quant à elles, à la nécessité que soient remplies trois conditions essentielles : en premier lieu, il faut qu’il y’ait, aux yeux de la Cour, un lien de causalité directe entre le comportement allégué et le préjudice invoqué ; il importe ensuite que le plaideur fasse la preuve que le dommage subi est quantifiable et actuel, c’est-à-dire qu’il existe au moment de la saisie de la Cour de justice, bien que celle-ci tienne également compte des dommages futurs même s’ils ne peuvent pas encore être évalués avec précision ; enfin, l’illégalité du comportement attaqué doit consister en une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour effet de conférer des droits aux particuliers.
Tout ce dispositif repose sur le fait que la responsabilité des communautés est subjective, c’est-à-dire une responsabilité pour faute. En d’autres termes, le plaideur doit apporter non pas la preuve que l’acte mis en cause est illégal, mais que l’institution l’ayant adopté a commis une faute. Deux organes judiciaires, le Tribunal de première instance et la Cour de justice sont compétents en matière d’appréciation des dommages causés aux tiers par les institutions communautaires et leurs agents.
24– Des actions de recours en indemnisation peuvent aussi être introduites contre les États membres pour manquement à leurs obligations en matière de respect et de protection des droits fondamentaux des personnes atteintes par les sanctions communautaires. Le droit international de la responsabilité est sans équivoque à ce sujet : la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite est un fait acquis et attesté aussi bien par la doctrine que par la jurisprudence[59]. Le droit de la responsabilité internationale ouvre pour les victimes la possibilité d’un accès effectif au prétoire qui leur permettrait d’obtenir réparation. Ce moyen reste à la portée des victimes syriennes dont les droits auraient été méconnus dans le cadre des mesures restrictives prises à leur encontre par l’Union européenne. Il en va d’autant plus ainsi que le principe de la responsabilité de l’État membre vis-à-vis des particuliers pour non-application ou mauvaise application d’une norme de droit communautaire a été reconnu par la Cour de justice. L’ordre juridique de l’Union est en effet basé sur l’effet direct et la primauté des normes communautaires sur les législations nationales des États membres. Les particuliers peuvent ainsi s’adresser au juge national pour demander réparation d’un dommage subi en violation de leurs droits. C’est ce que confirme la Cour : « le droit communautaire impose le principe selon lequel les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire qui leur sont imputables[60]. »
25– Le droit international relatif à la réparation des dommages causés aux victimes comporte l’obligation de respecter, de faire respecter et d’appliquer le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire. Tout manquement en cette matière entraîne dès lors l’obligation « d’offrir aux victimes des recours utiles, y compris la réparation comme il est précisé ci-après [61]». Quatre formes de réparation sont retenues pour faire droit aux victimes : 1/- la restitution des biens qui doit rétablir et restaurer la victime dans ses droits légitimes de propriété de la situation originale d’avant les violations ; 2/- l’indemnisation ou compensation qui concerne toute réparation de nature financière pour tout dommage matériel, physique, ou psychologique ; 3/- la réhabilitation ou réadaptation concernant surtout les cas dans des situations post-conflit ; 4/- la satisfaction et la garantie de non-répétition en tant que mise en œuvre des mesures de prévention et de rétablissement des personnes dans leur dignité et leur dignité[62]. Certaines de ces préconisations pourraient s’appliquer dans les recours en indemnité qu’introduiraient éventuellement les personnes syriennes visées par les sanctions européennes. Il est à souligner que les sanctions sont une exception aux textes internationaux sur le droit de la propriété. D’où la nécessité de restaurer ce droit après la fin des sanctions.
26– L’optimisme qui pourrait se dégager des développements précédents doit toutefois être quelque peu tempéré au regard de la jurisprudence européenne en matière d’indemnisation des victimes des sanctions communautaires. La Cour rappelle tout d’abord que les droits fondamentaux, et notamment le droit de propriété, souvent invoqués au titre des demandes en indemnité ne sont pas des droits absolus, leur exercice étant susceptible de faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté[63]. En pratique, les recours en indemnité n’ont pas été satisfaites du fait des limites posées par les conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté, comme en témoignent par exemple les arrêts rendus dans les affaires Sison, OMPI, etc.[64]
Conclusion
27- Pour les raisons exposées dans les développements ci-dessus, il apparaît que les sanctions européennes à l’encontre de la Syrie ne respectent que très imparfaitement les règles du doit international et du droit communautaire relatives à la protection des droits de l’homme. L’énonciation des sanctions, notamment pour ce qui concerne la désignation des personnes visées laisse entrevoir de sérieuses lacunes. Si des recours sont possibles devant les juridictions communautaires et celles des États membres, la possibilité de mise en œuvre de la responsabilité de ces entités demeure très limitée. D’où la quasi-impossibilité dans laquelle se trouvent les personnes mises en cause d’obtenir réparation des dommages subis devant ces juridictions. Dans ce contexte, un immense travail reste à accomplir pour que les sanctions qui sont des mesures de coercition ne se fassent pas au détriment des droits de ceux qui en sont frappés. Il ne faudrait pas qu’à l’arbitraire du non-droit du régime syrien qui a motivé les mesures restrictives se substituent les impasses du droit communautaire qui n’assurerait que de manière résiduelle son rôle d’apaisement social.
28– La détérioration de la situation humanitaire en Syrie, elle-même consécutive à l’enlisement de la situation politique peut laisser perplexe quant à l’efficacité des sanctions économiques prises par l’Union européenne à l’encontre de ce pays. De plus en plus se fait un lien entre la levée des sanctions et la chute du régime en place, suivie de la mise en accusation de ses dignitaires devant les tribunaux internationaux. Mais c’est tout l’édifice international de la protection des droits de l’homme en situation de sanctions économiques ciblées qui doit recevoir un nouvel élan. Non seulement l’Union européenne, mais aussi les États et les Nations unies doivent contribuer à faire évoluer les choses.
[1] Expression utilisée pour désigner la vague des mouvements contestataires et de soulèvements populaires pour plus de liberté et de démocratie dans certains pays arabes à partir de l’année 2011.
[2] Article 11, traité de l’Union européenne
[3] JO UE L 269 /2, 27.9.1978.
[4] Règlement (CE) N° 1638/2006 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 2006 arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat, article 1er, alinéa 3, JO L 310/1 du 9 novembre 2006.
[5] Voir Décision 2011/523/UE du Conseil du 2 septembre 2011 portant suspension partielle de l’application de l’accord de coopération conclu entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne, JO de l’UE L 228/19, 3.9.2011, p. 19 ; Décision 2012/123/PESC du Conseil datée du 27 février 2012 modifiant la décision 2011/523/UE portant suspension partielle de l’application de l’accord de coopération conclu entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne, JO de l’UE L 54/18, 28.2.2012, p. 18.
[6]Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, document 15114/05 du Conseil daté du 2 décembre 2005, p. 4.
[7] Voir, entre autres, Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, op. cit. ; Principes de base concernant le recours aux mesures restrictives (sanctions), document 10198/1/04du Conseil, 7 juin 2004.
[8] Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, op. cit., p. 3.
[9] Décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, JO UE 10.5.2011, L 121/11.
[10] Voir par exemple Annexe Décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, JO UE 10.5.2011, L 121/11 ; Annexe Décision d’exécution2011/367/PESC du Conseil du 23 juin 2011 mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, JO UE L 164/14, 24.62011 ; Annexes II et II bis Règlement (UE) N° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant les mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) N° 44/2011 JO UE L/16, 19.1.2012; Annexes I et II Règlement d’exécution (UE) N° 410/2012 du Conseil du 14 mai 2012 mettant en œuvre l’article 32, paragraphe 1 du règlement (UE) n° 36/2012 concernant les mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, JO UE L 126/3, 15.5.2012.
[11] Pour exemple, Décision d’exécution 2011/367/PESC du Conseil du 23 juin 2011 mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, JO UE L/164/4, 24.6.2011 dont l’article 1er stipule : « Les personnes et entités dont la liste figure à l’annexe de la présente décision sont ajoutées à la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/273/PESC. »
[12] Voir, à titre d’illustration, Décision 2012/122PESC du Conseil du 27 février 2012 modifiant la décision 2011/782/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, JO UE L 54/14, 28/2/2012 qui stipule en son article 3 : « La personne énumérée à l’annexe II de la présente décision est supprimée de la liste figurant à l’annexe I de la décision 2011/782/PESC. »
[13] Voir, entres autre, Règlement d’exécution (UE) N° 266/2012 du Conseil du 23 mars 2012 mettant en œuvre l’article 32, paragraphe 1 du règlement (UE) n° 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, JO UE L 87/45, 24.3.2012, article 2.
[14] Règlement (UE) N° 442/2011 du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, JO UE L 121/1, 10.5.2011, 5ème considérant.
[15] Sur ce dernier aspect, consulter la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO CE L 281/31, 23.11.95 ; Règlement (CE) N° 45/2001 du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, JO CE L 8/1, 12.1.2001 ; Avis du contrôleur européen de la protection des données sur différentes propositions législatives instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de la Somalie, du Zimbabwe, de la Corée du Nord et de la Guinée, JO UE C 73/1, 23.3.2010.
[16] Consulter Joël RIDEAU, Constance GREWE, Louis BALMOND, Maurizio ARCARI (dir.) : Sanctions ciblées et protections juridictionnelles des droits fondamentaux dans l’Union européenne. Équilibres et déséquilibres de la balance, Bruxelles, Bruylant, 2010, 414 p.
[17] Voir pour plus de précision Joël RIDEAU : « Le maintien des protections des droits fondamentaux dans l’Union européenne », op.cit., pp. 87-211 ; Elisabeth F. DEFEIS : “Targeted Sanctions, Human Rights, and the Court of First Instance of the European Community”, Fordham International Law Journal, Volume 30, Issue 5, 2006, pp. 1447-1462.
[18] Voir, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe : Les listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’Union européenne, Rapport Marty, (Doc. 11454 + Addendum), 22 janvier 2008.
[19] Voir à ce sujet le Règlement (UE) N° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) n° 442/2011, JO UE L 16/1, 19.1.2012, notamment le chapitre 2.
[20]Décision (2011/523/UE) du Conseil du 2 septembre 2011 portant suspension partielle de l’accord de coopération conclu entre la Communauté économique européenne et la République arabe de Syrie, JO UE L 228/19, 3.9.2011.
[21] Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, op. cit., p. 4, point 4.
[22] Ibid., p. 4, point 5.
[23] Lire à ce sujet Klaus BRUMMER : « Imposing Sanctions : The Not So ‘Normative Power Europe’ », European Foreign Affairs Review 14, 2009, pp. 191-207.
[24] Question écrite E-1991/02, JO UE C 192 E/38, 14.8.2003.
[25] E-9540/2010, JO UE C 265 E, 9.9.2010.
[26] Lire l’interview de Samir AITA : « What one fears is political money », http://wwwbitterlemons-international.org, 24 mai 2012.
[27] « Will Smart Sanctions on Syria work ? », http://www.jamesdenselow.com
[28] Déclaration du ministre syrien des Affaires étrangères.
[29] Emmanuel GARESSUS : « Les sanctions de l’Union européenne sont vouées à l’échec », Le Temps, Genève, 9 novembre 2011. Voir, sur ce point, les interrogations de Joakim KREUTZ : Hard Measures by a Soft Power ? Sanctions Policy of the European Union 1981-2004, BICC (Bonn International Center for Conversion) Paper 45, 2005. Un point de vue contradictoire est développé par Moritz WEISS : «The ‘Political Economy of Conflicts’ : A Window of Opportunity for CFSP ? », Journal of Contemporary European Research, vol. 4, N° 1, 2008, pp. 1-17.
[30] Résolution du Parlement européen du 4 septembre 2008 sur l’évaluation des sanctions communautaires prévues dans le cadre des actions et politiques de l’UE dans le domaine des droits de l’homme (2008/2031(INI))
[31] Voir aussi les analyses de Thomas J. Biersteker, Sue E. Eckert : Strengthening Targeted Sanctions Through Fair and Clear Procedures. White Paper prepared by the Watson Institute Targeted Sanctions Project, Brown University, Providence, Rhode Island, 30 March 2006, 58 p.
[32] Décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures à l’encontre de la Syrie, points 1 et 2 des visas.
[33] Ibid., point 3.
[34] Ibid., art. 8.
[35] Décision (2011/523/UE) UE du Conseil du 2 septembre 2011 portant suspension partielle de l’application de l’accord de coopération conclu entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne, point 11.
[36] Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, op. cit., p. 10, point 27.
[37] Ibid., p. 10, point 30.
[38] Lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, op. cit., p. 10, point 29.
[39] Règlement (UE) N° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) n° 442/2011, art. 1er/f.
[40] Ibid., art. 1er /h.
[41] Ibid., art. 1er /j.
[42] Ibid., art.1er /i.
[43] Voir L’Union européenne et la Syrie, Fiche d’information, Bruxelles, le 14 mai 2012.
[44] Pour exemple, voir Règlement (UE) N° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) n° 442/2011, annexes II et II bis.
[45] Ibid., art. 14.
[46] Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, art. 17 ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 17.
[47] Pour un énoncé complet des dérogations autorisées, voir les articles 16 à 21 du Règlement (UE) N° 36/2012 du Conseil du 18 janvier 2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) n° 442/2011.
[48] Ibid., liste donnée en annexe 3.
[49] Ibid. art. 18.
[50] Nations Unies, Assemblée générale, Conseil des droits de l’homme : Étude approfondie sur les effets négatifs du non-rapatriement des fonds d’origine illicite dans les pays d’origine sur la jouissance des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, Rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, 14 décembre 2011, Document A/HRC/19/42, point 3, p. 3.
[51] Lire à ce propos Theodore S. GREENBERG, Linda M. SAMUEL, Wingate GRANT, Larissa GRAY : Biens mal acquis. Un guide de bonnes pratiques en matière de confiscation d’actifs sans condamnation (CSC), Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative, Washington, D.C., The World Bank.
[52] Des initiatives similaires ont concerné les clans Ben Ali-Trabelsi et Kadhafi.
[53] Pour exemple, le Conseil décide le 1er septembre 2011 de dégeler les avoirs libyens.
[54] Pour une analyse comparative des différentes expériences dans le domaine de la restitution des avoirs gelés, voir Antoine DULIN, Jean MERCKAERT : Bien mal acquis, à qui profite le crime ?, CCFD-terre Solidaire, Paris, 2009, 212 p., et plus particulièrement les chapitres III et IV.
[55]Lire Pierre CONESA : « Peut-on récupérer l’argent des dictateurs déchus ?, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/05/25, 25.05.2011; Jean-François POLLET : « Biens mal acquis. Comment mettre la main sur la fortune des dictateurs ? », http://www.cadtm.org, ; Amel BELADJ ALI : « Jean Ziegler aux Tunisiens : « Ne comptez pas sur la loi pour récupérer les biens des Ben Ali en Suisse », http://www.cadtm.org, 19 juin 2011; Laura RAIM : « Où en est le gel des avoirs de Kadhafi ? », http://lexpansion.lexpress.fr, 03/03/2011.
[56] Voir Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 47 ; Décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve, JO UE, L 196/45, 2.8.2003, article 11 alinéa 1 ; Règlement (UE) N° 442/20111 du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, point 3.
[57] Voir CIJ : Réparation des dommages subis au service des Nations unies. Avis consultatif du 11 avril 1949, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, Recueil 1949.
[58] Cour de justice des communautés européennes (CJCE), Zuckerfabrik, aff. 5/71, 2 décembre 1971.
[59] Voir par exemple les travaux de la Commission du Droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite dont un projet de résolution dans ce domaine a été annexé à la résolution A/RES/56/83 de l’Assemblée générale des Nations unies du 12 décembre 2001 ; Nations unies : Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Document A/RES/60/147, Assemblée générale, 16 décembre 2005 ; Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Ilascu et autres c/ Moldova et Russie, lire à ce sujet Ioana Peteulescu : « Droit international de la responsabilité et droits de l’homme », Revue Générale de Droit International Public, 2005, pp. 585 et ss.
[60] Affaires jointes C-6/90 et C-9/90, att. 37. Voir sur ces aspects, Commission européenne : Jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne liée aux demandes de dommages-intérêts relative à une violation du droit de l’Union européenne par les États membres, Bruxelles, 15 juillet 2009.
[61] Nations unies : Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, op.cit, section II, point 3/d.
[62] Sur tous ces aspects, lire REDRESS : Mettre en œuvre les droits des victimes. Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes, London, The Redress Trust, mars 2006, 50 p..
[63] CJCE, arrêt du 27 février 1997, Ebony Maritime SA et Loten Navigation Co Ltd, aff. C-177/95, Rec. CJCE, p. I-1111.
[64] Voir Joël RIDEAU, op. cit., pp. 168 et ss.
